TELETRAVAIL DES FRONTALIERS

Cette image que vous ne verrez peut-être plus … à moins que

Le communiqué de Bercy a été repris de nombreuses fois depuis sa parution, dans un élan d’optimisme. Mais que cache-t-il vraiment ?

Ce que dit le communiqué de Bercy :

Berne et Paris viennent de s’accorder sur la possibilité pour les travailleurs frontaliers de travailler depuis leur domicile en France à raison de 90 jours par an, soit environ 2 jours par semaine.

Cet accord tend à pérenniser les « accords Covid », qui ont permis à de nombreux frontaliers de pouvoir télétravailler sans perdre leur statut. Il en subsistait un problème de taille non réglé sur le long terme : l’imposition du revenu, supposée être effective sur le lieu de performance de l’activité – hors accords frontaliers spécifiques.

Concrètement, les frontaliers qui travaillent dans les 8 cantons de l’accord de 1983 seront toujours imposés sur leur lieu de résidence, cela ne change pas (Berne, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura).

Pour les frontaliers des autres cantons qui dépendent de la Convention fiscale du 9 septembre 1966, et notamment Genève, les jours travaillés en France pour les salariés employés en Suisse devraient donner droit à la France d’imposer la part de rémunération correspondante (et inversement, bien sûr). Cela aurait notamment pour impact d’obliger les employeurs suisses à retenir l’impôt français sur les salaires versés. En l’absence de clause d’assistance au recouvrement de l’impôt entre la France et la Suisse, l’obligation se transformait en cauchemar puisqu’un employeur suisse aurait alors dû désigner un représentant fiscal en France. Une véritable usine à gaz rejetée en bloc par Berne.

Avec cet accord, dont l’application est rendue immédiate de manière amiable, plus question de retenue à la source de l’impôt. Il s’agira d’un mécanisme de reversement de recettes fiscales d’un Etat à l’autre, qui sera donc indolore pour le contribuable.  

Ce que le communiqué ne dit pas:

Le communiqué fait état d’un avenant qui devra être porté à la Convention fiscale bilatérale du 9 septembre 1966. Cela pérennisera donc la situation des travailleurs des cantons non couverts par l’accord frontalier de 1983. Toutefois, pour les cantons de l’accord frontalier de 1983, il n’est fait mention que d’un accord amiable, et non de la signature d’un avenant à l’accord. Il s’agit peut-être d’un simple oubli. Mais il serait fâcheux de manquer de précision après des mois de négociations. La vigilance s’impose donc. Nous rappelons à ce titre que les deux Etats ont pu dénoncer une Convention bilatérale en force en matière de droits de succession. Il ne serait donc pas surprenant qu’un simple accord amiable subisse le même sort.

Par ailleurs, il est regrettable pour les employeurs que ces accords et avenants à venir ne détaillent aucunement les conséquences du télétravail en matière de qualification d’établissement stable. Nous rappelons à ce titre qu’un salarié ou un travailleur indépendant investi de pouvoirs de décision peut, par exemple, constituer un établissement stable de la société dans l’Etat où il… télétravaille!

Faut-il ensuite évoquer le volet social d’un tel accord ? Si les questions sociales sont réglées depuis longtemps par un Règlement Européen (applicable à la Suisse), il n’en demeure pas moins que les seuils prévus ne sont pas de 40%. Faut-il définir le télétravail au niveau européen et en matière sociale afin de ne pas créer de confusion ? En l’état, cet accord purement franco-suisse crée-t-il une discrimination quant au principe libre circulation des travailleurs ? L’appréciation des 40% par le juge mènera-t-elle à l’application de règles prud’homales français à…des contrats de travail suisses ? Autant de questions qui ne manqueront pas d’alimenter les conseils et contentieux.

Enfin, attention toutefois, la Suisse et l’Italie viennent de dénoncer ces mêmes accords Covid pour les travailleurs frontaliers et ont annoncé ne pas chercher une solution pérenne au télétravail. La raison invoquée est celle d’un retour à une situation sanitaire normale, ne justifiant pas de mesures dérogatoires. Il ne nous semble pas que la situation sanitaire entre l’Italie et la Suisse soit différente de celle entre la France et la Suisse…

Cela présume-t-il d’une réelle faiblesse de l’accord Franco-Suisse dans le temps ? Les relations bilatérales étant souvent tendues en matière d’accord fiscaux entre les deux Etats, il s’agira de rester attentifs à toute évolution.

Nous restons à votre écoute pour vous assister dans l’étude d’impact de l’accord sur votre situation de contribuable / employeur.